La crise du Covid-19 associée aux effets de l’inflation a entraîné un changement de paradigme pour un bon nombre d’entreprises. Si la course aux levées de fonds et au chiffre d’affaires (rentable ou non dans un premier temps) étaient la norme dans l’univers start-up, cela a beaucoup évolué en faveur d’une recherche de rentabilité au plus tôt, quitte à avoir un développement plus lent.
Si les indicateurs de profitabilité sont actuellement les plus surveillés dans de nombreuses structures, pourquoi est-il toujours important de piloter ses campagnes d'acquisition en se basant sur le chiffre d'affaires ?
Les raisons de suivre la marge
Une inflation des coûts publicitaires
Les plateformes de publicités en ligne, comme Google Ads, Meta Ads ainsi que tout autre outil d’acquisition paid sont de plus en plus concurrentiels. La simplification de leurs modes d’utilisation et la prise de conscience croissante de leur impact sur les revenus attire de plus en plus d’acteurs. Cette situation entraîne inévitablement une hausse des coûts par clic (CPC) et des coûts par mille impressions (CPM), ce qui a des répercussions directes sur les coûts d'acquisition (CPA) et le retour sur investissement publicitaire (ROAS).
Dans ce contexte concurrentiel, se fier uniquement au chiffre d'affaires global pour piloter ses campagnes devient une stratégie risquée. L'approche par la marge, en revanche, permet de prendre en compte le coût réel de chaque transaction, pour une vision plus précise et réaliste des performances de l'entreprise.
Le pilotage à la marge : un levier de rentabilité
La marge brute est un indicateur plus parlant que le chiffre d'affaires pour évaluer la rentabilité d'une entreprise ou d’un produit si l’on prend une approche plus micro-économique. Ce n’est pas parce qu’un produit est cher qu’il est rentable ou l’inverse.
Une étude de Forrester Research montre que les entreprises qui pilotent leurs campagnes d'acquisition à la marge ont en moyenne un retour sur investissement (ROI) 30% supérieur à celles qui se concentrent sur le chiffre d'affaires. Les expérimentations réalisées sur mes clients donnent entièrement raison à cette étude, car je constate en moyenne une augmentation de 29% du profit sur investissements publicitaires (POAS). Ces données mettent en évidence l'importance de considérer le coût réel de chaque transaction plutôt que de se fier à une vision simpliste et trompeuse basée uniquement sur le chiffre d'affaires.
Un changement de perspective
Opter pour un pilotage à la marge nécessite un changement de perspective. Il ne s'agit plus seulement d'attirer le plus grand nombre de clients possible, mais de cibler les clients qui vont générer le plus de valeur. Cette approche nécessite une meilleure compréhension des besoins et des comportements des clients, ainsi qu'une analyse plus détaillée des performances de chaque produit et de chaque campagne, mais surtout de communiquer les bonnes informations aux plateformes d’acquisition paid. En effet, comment améliorer ses profits si l’on continue de communiquer des informations basiques de chiffre d’affaires à Meta Ads, Google Ads et autres ?
Le pilotage à la marge est également un excellent moyen d'optimiser les efforts d'acquisition. Par exemple, il peut être plus rentable de cibler des clients qui sont prêts à payer un prix plus élevé pour un produit à marge élevée, plutôt que de chercher à maximiser le volume de ventes avec des produits à faible marge.
Mettre en place le pilotage à la marge
Comment mettre en place ce tracking ?
L'évolution des outils et méthodes disponibles, tels que Google Tag Manager Server-Side ou les entrepôts de données comme BigQuery, ont rendu cette démarche plus accessible et efficace que jamais auparavant.
Trois méthodes permettent notamment d’exporter votre marge par produit et par transaction vers votre stack analytics et marketing :
- La mise à disposition de la marge dans le dataLayer via son enrichissement.
- La création d’un pipeline de données avec BigQuery et Google Sheet pour Google Ads.
- L’utilisation conjointe de Firestore et de Google Tag Manager Server-Side.
Première solution : via le dataLayer
Le dataLayer est une structure de données qui peut être utilisée pour stocker des informations sur une session utilisateur, telles que le type de produit acheté, le prix, la marge, etc. Ces informations peuvent ensuite être envoyées via Google Tag Manager aux différents points de terminaison.
Pour mettre en place un suivi basé sur la marge avec le dataLayer, vous devez d'abord définir les variables correspondant à la marge pour chaque produit ou service.
On peut alors imaginer ajouter deux objets :
- item_margin : qui correspondrait à la marge unitaire par produit.
- profits : qui indiquerait la marge totale dégagée sur une vente.
Une fois que ces variables sont définies, elles peuvent être utilisées pour créer des rapports mais surtout la nouvelle variable ‘profits’ se placera dans le traditionnel champ ‘value’ (qui indique habituellement le chiffre d’affaires de la commande). Cela permettra ainsi de piloter ses campagnes publicitaires à la marge au lieu du CA. Par exemple, Google Ads essaye dans ses stratégies d’enchères basées sur la valeur de conversion de maximiser le montant des ventes. Étant donné que l’indicateur de CA sera remplacé par la marge, l’algorithme cherchera à viser des hauts montants de marge.
L’utilisation du dataLayer est de très loin l’option la plus simple à mettre en place. Il suffit en effet de mettre à jour la documentation de dataLayer en faisant appel au développeur du site web.
Cependant, n’importe quel utilisateur peut avoir accès à votre dataLayer en ouvrant la console de développement. Cela veut dire que tout le monde, notamment des clients, concurrents ou robots sont en mesure d’accéder à cette donnée confidentielle.
C’est pourquoi je ne conseille pas cette alternative lors de mes implémentations. même si elle permet une mise en place rapide et surtout sans coûts récurrents.
Deuxième solution : avec les conversions hors-ligne Google Ads
Cette seconde méthode s’appuie sur les fonctionnalités d’import de conversions hors-ligne des différentes plateformes publicitaires.
Voici ce que vous devez faire :
- Par sécurité vous continuez à laisser active votre conversion classique d’achat (avec le chiffre d’affaires) dans Google Tag Manager. Vous faites en sorte que cette conversion ne serve pas à optimiser les performances de l’algorithme (conversion secondaire pour Google Ads).
- Mettez en place l’import d’une conversion hors-ligne comme conversion principale en respectant les étapes ci-après.
- Demandez à votre développeur de créer une table de données (dans BigQuery par exemple) comprenant :
- l’identification de click de Google Ads (gclid)
- le numéro de commande
- la marge associée à la commande
- la device
- la date et l’heure de la commande
- Mettez en place un transfert de données automatique entre BigQuery et Google Sheet en respectant ce format :
- Créez une nouvelle conversion hors-ligne dans Google Ads (qui portera le même nom que le champ ‘Conversion Name’)
- Créez une importation de conversion dans Google Ads, de sorte que le fichier soit lu, une ou plusieurs fois par jour.
Pourquoi utiliser BigQuery alors que tout pourrait se faire directement dans Google Sheet ? Parce que cette méthode via le tableur s’applique pour Google Ads et que si vous souhaitiez dupliquer cela pour Meta ou autre, vous devriez utiliser une autre méthode (reverse ETL, Zapier, Make).
Avec cette méthode vous devez mettre un nombre d’implémentations égal au nombre de plateformes marketing utilisées. De plus, l’import de conversions offline peut parfois rencontrer quelques couacs en matière de réattribution des conversions à un ID de clic.
Troisième solution (la meilleure ?) : Google Tag Manager Server-Side et Firestore
Le tracking server-side, ça vous dit quelque chose ? Vous avez sans doute entendu parler de proxyfication, de Conversion API, de contournement des adblockers, de l’ITP Safari, de la web-performance. Mais vous pouvez aller beaucoup plus loin en le couplant à la base de données Firestore.
Google Cloud Firestore est de son côté une base de données NoSQL qui permet une grande rapidité de lecture et d’écriture. Firestore stocke les données dans des documents, qui sont organisés en collections. Les documents fonctionnent de manière similaire aux objets JSON et donc … au dataLayer.
Depuis mars 2022, il est possible de faire communiquer les deux outils par le biais de variables asynchrones. C’est-à-dire que le tag contenant une de ces variables Firestore, attendra d’avoir récupéré la valeur de celle-ci avant de se déclencher. Cela se déroule dans un temps très limité, quelques millisecondes, grâce à la rapidité et la structure de Cloud Firestore.
Afin de mettre en place cette implémentation vous aurez donc besoin :
- d’une BDD Firestore où est stocké votre catalogue de produits (régulièrement mis à jour) avec l’item_id et l’item_margin.
- d’un tracking server-side via GTM parfaitement configuré où il faut que chaque transaction remonte, associée des item_id des produits achetés par le client.
- d’une variable Lookup Firestore avec une clé commune entre la base de données et les données d’événement. Dans notre cas ce sera l’item_id.
- d’une variable asynchrone qui somme l’item_margin appelé profits.
- de remplacer le champ value par la nouvelle variable profits dans les différents tags marketing et en créant une nouvelle dimension dans votre outil de webanalyse.
Voici un schéma qui explique le fonctionnement :
- Un client réalise un achat, puis les données transactionnelles et des produits achetés sont envoyées au serveur de tracking.
- Le serveur envoie une requête vers la base de données Firestore afin de venir chercher la marge / produit grâce à une variable.
- Retour de Firestore vers le serveur via une nouvelle requête qui renseigne la variable asynchrone dédiée.
- Déclenchement des tags Meta, Google Ads, ... agrémentés non plus de la valeur d’achat, mais de la marge.
À noter qu’il est également possible de faire la même action à partir du transaction_id, avec une marge directement calculée, mais cela nécessite que votre base de données Firestore soit alimentée en temps réel, ce qui entraînera des mises en place plus lourdes mais aussi plus intéressantes.
Imaginez si vous pouviez envoyer, en plus de la marge, la LTV afin d'optimiser vos efforts pour cibler les profils de clients les plus rentables à long terme !
Cette grande souplesse et ces possibilités presque infinies, font de cette méthode la favorite lors des implémentations que je réalise. Elle permet une grande fiabilité des données, et ce, en temps réel. C'est pourquoi je vous recommande d'adopter cette approche, tout en soulignant l'importance de toujours tenir compte de la contrainte des coûts :
- Hébergement du serveur de tracking
- Utilisation de Firestore
Bien entendu, quelle que soit la méthode utilisée, vous vous devez de déclencher vos balises de conversions uniquement dans le cas où l’utilisateur vous a donné son consentement.
Il est donc nécessaire de mettre en place une CMP comme Didomi, Cookiebot ou OneTrust, ainsi que de transférer les choix du client côté serveur afin de conditionner les tags.
Pilotez vos campagnes d’acquisition à la marge et prenez de l’avance sur vos concurrents
En 2024, le pilotage des campagnes d'acquisition à la marge est plus essentiel que jamais. Il offre une meilleure compréhension des performances, une optimisation plus efficace des efforts d'acquisition et, finalement, une plus grande rentabilité. Les méthodes décrites dans cet article peuvent permettre à n’importe quelle entreprise de mettre en place un tel dispositif, tout en prenant en compte des avantages et des inconvénients des différentes alternatives. Alors, si vous n'avez pas encore adopté cette approche, c'est le moment de vous lancer !